Les paradoxes du calcul mental #3

Pendant trop longtemps le calcul mental a été associé uniquement à la mémorisation et l’automatisme. Place désormais à un enseignement rénové et diversifié basé sur le collectif et la quête de sens  !

Trouver des stratégies collectivement

Lors d’une séance de calcul mental réfléchi, dans laquelle différentes procédures seront explicitées et analysées, les élèves commencent par « chercher » avec la notion de choix à faire pour trouver une stratégie, en mobilisant leurs connaissances.

L’utilisation ou la découverte de propriétés opératoires type distributivité, associativité, commutativité est une forme de
« modélisation ». Les nombres sont par eux-mêmes des exemples de « représentation ». Est-il utile de préciser que le calcul mental réfléchi est une forme de « raisonnement » ? « Calcul » bien sûr !

La « communication » des différents chemins trouvés par les élèves avec la verbalisation des procédures choisies est une étape importante dans la construction du sens des nombres et des opérations. Non seulement c’est enrichissant pour celui qui doit expliquer sa démarche mais c’est essentiel pour la classe d’entendre des procédures différentes trouvées par d’autres. L’apprentissage par l’écoute des autres apporte une dimension collective dans la pratique du calcul mental en classe. Trouver le plus de démarches différentes pour effectuer un calcul est un exercice collectif très riche pédagogiquement.

 

Retour sur les différents types de calcul mental

Derrière l’appellation « calcul mental » se cachent des pratiques différentes et surtout des types de calcul mental différents. Pour le grand public, le calcul mental est souvent associé à une image d’Epinal : l’élève en blouse grise sur une estrade, récitant ses tables de multiplication. Cette image, qui fleure bon la 3ème République, associe calcul mental à mémorisation et automatismes. Elle est évidemment réductrice et incomplète. Elle associe l’élève à un « automath ». Cette vision passéiste du calcul mental est certainement un frein à un enseignement du calcul mental rénové et diversifié, pourtant essentiel à la mise en place du sens du nombre et des opérations.

La partie automatisée du calcul mental, c’est la partie en mémoire, celle pour laquelle la réponse à un calcul est immédiate et ne demande pas de réflexion. Un peu à l’image de ce qui est stocké dans le disque dur d’un ordinateur. Cette sollicitation du cerveau est en apparence sans effort. Il y a également automatisation de procédures, comme ajouter 10 et soustraire 1 pour l’addition de 9, ajouter 100 et soustraire 1 pour l’addition de 99. L’automatisation de procédures permet de consolider des propriétés opératoires comme la distributivité et l’associativité.

Cette partie automatisée se construit progressivement. Elle va se développer et s’enrichir au fil du temps avec des allers-retours permanents entre calcul mental réfléchi et calcul mental automatisé.

La partie réfléchie du calcul mental est simple à définir.
Dès l’instant où la réflexion est nécessaire avec des choix de procédures ou de stratégies, il ne s’agit plus de calcul mental automatisé mais de réfléchi. La partie automatisée devient un outil au service de sa propre partie réfléchie.
En pratique, le calcul mental réfléchi, par la diversité des méthodes, se rapproche de la résolution de problèmes. Une pratique régulière du calcul mental réfléchi entretient et enrichit progressivement la partie automatisée. On rentre alors dans une sorte de cercle vertueux car, en se développant, la partie automatisée libère de l’énergie, une capacité de réflexion plus grande, qui va permettre d’accroître la difficulté dans le domaine du calcul mental réfléchi. Une clé de l’enseignement du calcul mental réside dans sa régularité à la fois sur le court terme avec une pratique quotidienne mais aussi sur le long terme. En effet, une partie du calcul mental réfléchi enseigné au cycle 1 est appelé à devenir de l’automatisé du cycle 2 puis une partie du réfléchi du cycle 2 deviendra de l’automatisé au cycle 3, etc…

Le manque d’aisance conduit au décrochage des élèves

akintsy_photo FlickrIl faut bien comprendre qu’une partie automatisée peu développée sera vite source de blocage pour acquérir des connaissances ou des mécanismes dans d’autres domaines mathématiques. Les exemples sont nombreux : simplifier une fraction, appliquer ou calculer un pourcentage, appliquer une proportionnalité type règle de trois… L’aisance calculatoire est fortement corrélée à une partie automatisée riche. À partir de la 5ème puis surtout en 4ème-3ème, ce défaut de répertoire mental et d’aisance mentale avec les nombres et les opérations devient un véritable handicap et explique le décrochage de nombreux élèves. Ce décrochage se comprend aisément car sans un minimum d’agilité mentale numérique comment maîtriser en terme de sens Pythagore, Thalès, les opérations sur les fractions, les relatifs, les pourcentages, le calcul littéral, la trigonométrie…

Pour dépoussiérer cette image IIIème République qui associe calcul mental à connaissance d’automatismes, il est important de pratiquer les deux registres. Une pratique régulière du calcul mental réfléchi va permettre de donner du sens aux propriétés opératoires et aux techniques de décompositions des nombres. La régularité associée à la répétition doit permettre de passer progressivement du registre réfléchi au registre automatisé.

Pour conclure

C’est le rapprochement de la technique et du sens, c’est aussi l’installation d’un répertoire qui va devenir une sorte de caisse à outils pour l’élève, une base qui va lui donner des repères mais aussi une confiance en lui. Avec le temps, le plaisir de jongler avec les nombres et les opérations peut même s’installer. La jubilation mentale associée à la verbalisation dans la classe va donner lieu à des échanges et par la même, favoriser un apprentissage par l’écoute des autres.

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